Questions posées par Christopher Kutzer
C. Kutzer : Vous avez reçu à Paris en 1999 le « Prix Européen de l’innovation pour les instruments de musique », qui consacre votre concept du « Liuto forte »).
Ce luth est-il vraiment la première démarche sérieuse pour moderniser un instrument tombé en désuétude ?
A. Burguete : Oui, c’est bien le cas. Car malgré leur corps en forme de luth, les « luths » du mouvement Wandervogel du début du 20ème siècle étaient en réalité d’une conception semblable à celle d’une guitare. Par conséquent, leur son n’avait pas grand-chose à voir avec celui des luths des 16ème, 17ème et 18ème siècles.
En revanche, notre conception du Liuto Forte, c’est-à-dire d’un « luth puissant » repose sur des études minutieuses et approfondies portant sur la fabrication des luths historiques, donc de leurs qualités comme de leurs lacunes. Loin de renier cet héritage, nous y avons ancré nos racines. (voir « A propos du Liuto forte-contrôle qualité »).
C.K : Selon une interprétation courante de l’histoire, le luth aurait été remplacé par la guitare parce que celle-ci était plus facile à jouer et plus puissante. Partagez-vous ce postulat ?
A.B : A la lumière des faits historiques, cette interprétation naturellement admise par les guitaristes est tout simplement fausse. Tout d’abord, la petite guitare romantique était à peine plus puissante que le luth baroque. Les luths utilisés pour la basse continue dans les ensembles, tels que le théorbe ou l’archiluth, auraient facilement « couvert » plusieurs guitares romantiques. Il est un fait que le piano-forte, avec son essor rapide, a remplacé les luths dans la seconde moitié du 18ème siècle. En effet, cet instrument, comme son nom l’indique, pouvait être joué aussi bien « piano» que « forte », contrairement au clavecin utilisé auparavant.
Jusqu’à l’apparition du piano-forte, les instruments à cordes pincées étaient les seuls pouvant produire des accords, et dont le volume sonore pouvait se moduler considérablement.
C’est donc à la suite de l’évolution historique du piano-forte que luths et guitares baroques avaient déjà presque disparu au milieu du 18ème. Dans ce contexte pratiquement sans luths, la guitare romantique a connu une évolution étonnante. Ses caractéristiques étaient d’une part ses cordes simples plus commodes à accorder et à jouer que les doubles cordes (chœurs) traditionnelles. D’autre part, sa sonorité plus chaude et riche semblait mieux correspondre au goût sentimental de cette période romantique, en opposition au luth aristocratique, d’un jeu plus exigeant et d’une sonorité un peu plus sèche. Cependant, comme je l’ai dit, la guitare romantique n’a ni détrôné ni remplacé le luth grâce à sa manipulation aisée et sa sonorité douce. Elle n’a pas été en mesure, même avec le temps, de remplacer le luth et sa polyvalence. Au cas où vous souhaiteriez en savoir plus à ce sujet, et si vous lisez l’allemand, je vous recommande mon article « Weniger ist mehr – Grenzen und Aussichten der klassischen Gitarre ». (voir également « A propos du Liuto-forte – contributions, André Burguete LINK »).
C.K : Il est rarement pris en compte que l’apparition de la guitare a été accompagnée d’inconvénients majeurs, tels qu’une tessiture limitée des basses (si je peux me permettre cette réflexion de profane en matière de luth). Cela n’aurait-il pas dû inciter les musiciens à essayer de combiner les avantages du luth avec ceux de la guitare ?
A.B : Déjà aux alentours de 1800, alors que luths historiques et guitares pouvaient encore être comparés, des critiques sur la forme de la caisse de la guitare, ainsi que sur ses cordes, ont émergé. Indépendamment les uns des autres, plusieurs auteurs ont estimé que la caisse de la guitare n’était pas idéale pour un instrument à cordes pincées. Ils ont proposé de donner au dos de la caisse le galbe arrondi des luths et théorbes traditionnels. Il y avait de bonnes raisons à cela : le corps du luth, avec ses deux parties (la table d’harmonie et la caisse) peut être comparé à un haut-parleur. Il transforme en son la vibration de la corde beaucoup plus efficacement qu’une « boîte ». Dans ce cas, l’impulsion sonore ne peut se propager directement de la table d’harmonie au dos de la guitare, elle est absorbée par les côtés (les éclisses) se trouvant entre les deux. Les guitares à dos plus convexe peuvent générer un son un peu plus doux, mais la transformation de l’impulsion d’énergie en son n’en est pas pour autant améliorée, car la table et le dos restent séparés par les éclisses. Il semble que les concepteurs des guitares « Ovation » aient pris ce paramètre en considération. Cependant, l’architecture typique de la guitare apporte toujours une rigidité inutile qui empêche invariablement la propagation de l’énergie sonore entre la table et le dos.
La prépondérance de la guitare à 6 cordes ne tient pas tant à des raisons musicales qu’à des stratégies de profit de la part des éditeurs. Ces éditeurs du 19ème siècle s’adressaient principalement aux amateurs passionnés de guitare et de chant. Pourtant, nombre d’importants guitaristes du 19ème jouaient sur des guitares à 7 ou 8 cordes, voire plus. Mais il y eut moins de compositions pour ces guitares que pour la guitare à 6 cordes. Cela a totalement faussé et orienté l’opinion du public quant au nombre optimal de cordes, qui en fait est de 7, ou 9 d’un point de vue musical. Je pense toutefois qu’au-delà de 9, l’instrument est soumis à de sévères limites acoustiques et esthétiques.
C.K : Vous avez créé un instrument plus puissant et plus facile à jouer que le luth ou la guitare. Pourriez-vous décrire brièvement comment ces deux qualités sont apparues ? Le Liuto forte me semble plutôt « normal ». Par exemple, il n’est pas significativement plus grand ni plus arrondi (volume sonore), et son manche n’est pas plus étroit (confort de jeu).
A.B : Le Liuto forte contraste avec le luth historique de la même manière que le son des violons modernes (ou modernisés au 19ème siècle) diffère de celui des violons baroques originaux. Soit dit en passant, sur les quelques 300 violons avérés comme étant des Stradivari, un seul est toujours dans son état d’origine, construit à Crémone au 17ème. Bien que le corps de ces violons modernisés soit toujours conforme à l’original, des détails significatifs – comme le barrage de la table d’harmonie, la pression exercée par les cordes sur celle-ci, la tension des cordes elles-mêmes – ont ensuite été modifiés pour permettre d’augmenter la pression et l’intensité sonore, par conséquent une plus grande dynamique. Ces modifications ont non seulement rendu ces instruments plus adaptés à un public nombreux, mais aussi offert de nouvelles possibilités d’expression musicale.
Le Liuto forte ne pèse pas plus lourd que le luth historique, donc beaucoup moins que la guitare classique. Mais c’est un loup déguisé en agneau. La pression acoustique est considérablement améliorée grâce à la nouvelle construction brevetée de la table d’harmonie, grâce aussi à des cordes simples d’une tension plus forte, à la place des chœurs. Cela est mis en œuvre sans trop solliciter l’instrument, sans devoir revenir à la facture plus robuste et bien connue du début du 20ème siècle. Au final, les améliorations du son qu’apporte le Liuto forte résultent de nombreux éléments spécifiques, d’un assemblage nouveau et d’un travail de développement intensif. C’est plutôt complexe… mais il n’y a pas de « truc » particulier.
C.K : Vous souvenez-vous de « l’étincelle initiale », de la motivation particulière qui vous a conduit à développer le Liuto forte ?
A.B : C’était pour moi une évolution toute naturelle, plutôt qu’un « appel du Ciel » … Comme beaucoup de luthistes contemporains, j’ai commencé par l’étude de la guitare classique. Comme je me sentais mal à l’aise avec le répertoire quelque peu restreint pour cet instrument, j’ai été attiré comme par magie par le luth, son immense potentiel et les possibilités qu’il offrait, et cela dès mes jeunes années. A 19 ans, j’ai commencé à jouer sur des copies de luths Renaissance et baroques historiques. Mais la plus grande expressivité sonore de la guitare me manquait. Mes réserves quant aux luths historiques étaient dues principalement aux cordes doubles, et au son relativement ténu de ces instruments. Ce n’est que plus tard que j’ai découvert la tradition des luths historiques à cordes simples, comme le théorbe et l’angélique, entre autres. J’ai découvert que les œuvres pour luth de J.S Bach avaient été composées pour un puissant instrument à cordes simples. De cette découverte est née l’impulsion décisive de vouloir poursuivre avec cette lignée prometteuse de luths, avec cette tradition instrumentale. D’une certaine façon, J.S. Bach pourrait être nommé, à juste titre, « père du Liuto forte ». (Voir aussi : www.bach-lautenwerk.de/en.html).
Au cours des années précédentes, j’avais déjà beaucoup travaillé avec les musées et joué sur des instruments historiques originaux. J’étais donc bien informé sur la structure interne, la lutherie et le fonctionnement de tels instruments. J’ai donc pu prendre comme point de départ les différentes tables d’harmonies des luths baroques tardifs pour développer des idées sur la manière de les modifier afin d’obtenir un instrument puissant, avec des aigus chantants, des médiums clairs et des basses impressionnantes. Mais en soi, cela n’aurait guère suffi.
Heureusement, à ce stade, j’ai rencontré « les bonnes personnes, au bon moment ». Grâce à l’aide et à la compétence visionnaire de l’ingénieur Benno Streu, de Fribourg, j’ai pu préciser mes idées concernant la conception et la réalisation de la table d’harmonie. Enfin, le luthier Günter Mark est venu, comme le «Troisième Mousquetaire » pour ainsi dire, compléter l’équipe. Avec son acuité imaginative, il a créé les premiers prototypes du Liuto forte. Sans ces deux collaborateurs, il n’y aurait eu aucune chance de concrétiser la vision d’un luth moderne combinant le meilleur du luth historique et celui de la guitare classique. Il est peut-être intéressant de noter qu’avant même d’avoir entendu un tel instrument, j’avais déjà, à l’évocation du mot « luth », l’idée d’un son spécifique. Ce son ne ressemblait ni à celui d’une guitare classique, ni à celui des copies de luths historiques que j’ai pu découvrir par la suite. C’est assez étrange…
C.K : Vous travaillez avec des scientifiques de l’Université de technologie de Dresde. Pouvez-vous nous parler du rôle et de l’importance de cette coopération ? Cela marque-t-il une avancée cruciale par rapport à vos précédentes tentatives de développement du luth ? Quelle est l’importance qu’offre la possibilité d’appliquer une technologie de pointe afin d’obtenir des résultats optimaux ?
AB : Jusqu’à présent, les études d’analyse modélisées en laboratoire n’ont malheureusement pas fourni de « recette » pour la construction de l’instrument parfait. Cependant, elles contribuent de manière significative à une meilleure compréhension de certains processus acoustiques, et des fonctionnements de base des instruments de musique. Pour exemple, certains clips vidéos sur notre site Web vous donnent un bon aperçu des parties de l’instrument qui sont particulièrement actives dans certaines gammes de fréquences. (Voir : « A propos du Liuto forte – Recherche, LINK). Ce n’est pas l’outil le moins utile pour analyser les erreurs ! Depuis le début, notre collaboration avec l’Université de technologie de Dresde a été conçue comme un projet à long terme. Cela était nécessaire, ne serait-ce qu’en raison du temps considérable que demande la recherche d’un langage commun entre physiciens, luthiers et instrumentistes. Il faut toutefois noter que les mesures effectuées dans les laboratoires acoustiques de Zwota et Dresde n’ont jamais constitué un préalable à l’excellente qualité sonore de nos instruments, qui est le fruit de la collaboration entre Michael Haaser, Günter Mark, Benno Streu et moi-même. Ces mesures nous ont principalement aidés à mieux comprendre, rétrospectivement, les caractéristiques vibratoires de nos luths. Il se peut néanmoins que les résultats des analyses en laboratoire fournissent des indications susceptibles d’améliorer encore la qualité de nos instruments.
CK : Concernant la lutherie des violons, les maîtres luthiers du passé sont considérés comme la référence, en tout point, que ce soit à propos de la qualité sonore, de la conception de l’instrument ou du vernissage (si toutefois on peut séparer ces aspects particuliers). Les maîtres anciens sont-ils également respectés dans le domaine de la fabrication des luths? Comment vous positionnez-vous par rapport à cette norme ?
A.B : J’aurais aimé disposer d’un tel « étalon-or », un tel standard pour définir des critères de qualité sans équivoque, comme cela est possible avec les violons des célèbres luthiers des 17ème et 18ème siècles, des instruments toujours utilisés de nos jours Malheureusement, la situation est complètement différente avec les luths historiques préservés aujourd’hui. Selon les connaissances actuelles, il existe encore environ un millier de luths historiques de conception européenne, dont 95% ne sont plus jouables. En ce qui concerne les rares instruments utilisables restants – comme un luth de Sebastian Schelle (1744) qui fut en ma possession – il n’est pas certain que leur son soit toujours le même qu’il y a 300 ans, quand ils étaient joués régulièrement. Les luthiers actuels copient généralement des instruments muets depuis longtemps, qui traînent dans les musées. En règle générale, quand un même instrument historique est copié par différents luthiers, vous obtenez des caractéristiques sonores différentes. Et cela même lorsque toutes les cotes, les mensurations sont identiques, ainsi que les essences de bois utilisées. Car même si la qualité de fabrication peut très bien être excellente et tout à fait identique au niveau du modèle original, nous ne pouvons affirmer qu’il en est de même pour les qualités sonores, l’original étant « mort » depuis longtemps en raison des circonstances décrites. En conséquence, nous n’avons d’autre alternative que de « réinventer » le luth, en ce qui concerne le son. Malgré de telles limites, il reste une caractéristique clairement identifiable et commune à de nombreux luths anciens, c’est leur étonnante et facile réactivité. Cela est dû à un savoir caché qui a été perdu à l’époque de la production en série, et qui n’a été redécouvert qu’au 20ème siècle par Benno Streu de Fribourg. Cela est lié au bon assemblage des bois de la table et de la coque, et ce savoir est appliqué à tous les Liuti forti.
Pour le moment, nous gardons cela comme le secret de fabrication de notre entreprise.
C.K : Votre idée a-t-elle été accueillie avec enthousiasme dès le début ? Ou bien avez-vous fait face au scepticisme ou même à la moquerie ?
A.B : Tous les experts en marketing connaissent le concept de « premiers adeptes ». Cette expression désigne les personnes qui attendent depuis longtemps une innovation et qui l’adoptent sitôt qu’elle devient disponible. Ces clients protègent ainsi l’inventeur de la banqueroute lors de la phase de démarrage. Ils lui permettent conserver l’estime de soi, et l’illusion qu’il sera en mesure de rembourser ses dettes bancaires à l’avenir… Un second groupe, en principe tout aussi bienveillant, attendra de voir comment les choses évoluent et si l’innovation survit à sa phase de démarrage. Ces personnes apparaissent généralement – de manière inattendue – pendant la traversée du désert qui suit le temps des premiers adeptes. Cette période se caractérise par un avenir très incertain pour l’innovation, pouvant éventuellement conduire le concepteur à la tentation de renoncer. Le troisième groupe, et le loin le plus grand, suit le principe de la majorité. Une fois qu’un nombre suffisant de personnes des deux catégories précédentes ont exprimé leur satisfaction, alors ces gens initialement hésitants décident de ne plus rester à la traîne, peut-être par crainte de paraître démodés. En ce qui concerne le Liuto forte, il semble que nous nous approchons de ce stade.
Les innovations suscitent généralement le scepticisme. A ce sujet, il est intéressant de noter que la plupart des innovations durables ne sont acceptées qu’après une période d’environ 20 ans. Pour citer quelques exemples probants, cela vaut notamment pour le violoncelle, le piano-forte, le moteur Diesel, le stylo à bille ou la fermeture à glissière… Cela semble être une période d’incubation qui peut difficilement être raccourcie et s’avère nécessaire pour vaincre la résistance des forces d’inertie les plus puissantes qui soient, à savoir les habitudes et les préjugés. Je n’ai jusqu’ici subi aucune moquerie. Cependant, je dois prendre acte des signes indéniables de malaise, voire de peur, de la part des acteurs du jeu des luths « historiques ».
Je leur assure invariablement que jamais je ne renierai la validité du luth historique, mais que je compte plutôt ouvrir un nouveau chapitre de ce bel instrument. Ce qui, à mon avis, suppose avant tout que les luthistes s’ouvrent à tous les styles de musique, et qu’ils accueillent les guitaristes plutôt que de les exclure.
De plus, l’art de jouer du luth dans la tradition historique peut lui-même tirer profit de nos expériences avec le Liuto forte. Par exemple, notre luthier Günter Mark vient de recevoir le « Prix allemand des instruments de musique » (Deutscher Musikinstrumentenpreis), qui récompense un luth Renaissance en sol (alto). Dans la fabrication de ce luth, il a appliqué plusieurs procédés développés pour le Liuto forte, comme les méthodes d’harmonisation précises de la table ou les principes de sélection des bois. L’instrument a été exposé au Salon de Musique de Francfort (« Frankfurter Musikmesse ») en mars 2012.
C.K : Voyez-vous une chance d’établir durablement le luth dans le paysage musical d’aujourd’hui, après une absence de plusieurs siècles ?
A.B: Je crois fermement en cette perspective, pour peu que les gens soient prêts à examiner et réviser de manière critique un instrument qui est resté figé sur ce qu’il était au 18ème siècle. Il faut par ailleurs être prêt à surmonter tous les obstacles qui empêchent l’utilisation du luth dans les styles musicaux des 19ème et 20ème siècles, et jusqu’à présent.
Au cours des 10 dernières années, nous avons non seulement fondamentalement révisé l’ensemble de la famille des luths, mais également mis au point des cordes spécialement conçues pour nos nouveaux instruments. Elles sont adaptées spécifiquement à chaque instrument, et sont bien plus équilibrées que les cordes de luth et de guitare habituelles. De plus, j’ai développé une nouvelle technique de jeu particulièrement adaptée à ces instruments. Les techniques de jeu traditionnelles des luths Renaissance et baroques y sont combinées et s’intègrent à celles des guitares des 19ème et 20ème siècles. Par exemple, comme pour le piano, j’utilise le petit doigt de la main droite. Cela nécessite une position de la main parfaitement détendue, entre la position standard pour le luth baroque et celle de la guitare classique. Les instrumentistes exploreront l’énorme potentiel sonore du Liuto forte dans les années à venir : toutes les propositions sont les bienvenues.
C.K : La musique rock fait partie du paysage musical contemporain. Ingo Hampf, de « Subway to Sally », a attiré mon attention sur vous. Pouvez-vous imaginer créer des instruments électro-acoustiques spéciaux, équipés de capteurs adaptés aux contraintes extrêmes d’un spectacle rock ? Les exigences en matière « d’extériorisation de soi », de présence et de jeu scéniques, sont bien plus grandes dans ce contexte que dans une configuration de musique de chambre… De plus, la chaleur générée par les projecteurs, bien plus élevée que pendant un concert de luth habituel, risquerait d’avoir des conséquences étant donné la vulnérabilité, la fragilité, bien connues de beaucoup d’instruments dans de telles circonstances…
A.B : Nous sommes ouverts à tout et nous aimons expérimenter – vous trouverez sur notre site Web des exemples sonores d’un Liuto forte amplifié, joué par Peter Autschbach (LINK Autschbach). Cependant, le Liuto forte est avant tout un instrument acoustique, conçu pour exploiter et optimiser la résonance naturelle de l’air plutôt que les qualités d’un amplificateur. En raison de mon manque d’expérience dans ce domaine, je ne peux dire si cette puissance « naturelle » du Liuto forte pourrait présenter un quelconque avantage dans la musique rock. Il faut essayer.
C.K : Dernière question : considérez-vous le Luth-forte comme une « pierre philosophale » musicale, ou plutôt comme un jalon dans un axe de développement continu ?
A.B : Il semblerait que la « pierre philosophale » ait déjà été trouvée, à en croire certains protagonistes de la sphère du luth historique qui redoutent tout changement comme le diable déteste l’eau bénite. Cet instrument, autrefois si polyvalent, est loin d’avoir atteint ses limites.
Je serais heureux de le voir quitter le royaume des musées pour être remis en liberté. Je serais pleinement satisfait si l’histoire future de la musique nous mentionnait en tant qu’artisans de ce processus.
C.K : Merci pour cet entretien.
Zillo Medieval, Ausgabe März 2012
(Der Abdruck erfolgt mit freundlicher Genehmigung von Zillo Medivial)